Depuis l’assassinat de six Français et de deux Nigériens, le 9 août au Niger, le ministère français des Affaires étrangères déconseille à ses ressortissants de se rendre dans la totalité des pays du Sahel. Une classification qui provoque la colère des populations concernées, mais qui est bien l’aveu d’un échec face aux terroristes, écrit ce journal burkinabé.
Si la diplomatie est une chorégraphie du camouflage, des non-dits, des pokers menteurs et autres métaphores, elle peut aussi être directe, sans langue de bois. C’est ce que vient de prouver le Quai d’Orsay à l’égard des pays du Sahel : les zones frontalières du Ghana et de la Côte d’Ivoire avec le Mali, la quasi-totalité du Niger et du Burkina sont en rouge, c’est-à-dire très dangereuses, et fortement déconseillées aux voyageurs, en particulier hexagonaux.
L’actualisation de la carte sécuritaire du ministère français des Affaires étrangères [le 15 août] est l’aboutissement d’un constat : le Nord et le Centre-Nord (Ouahigouya et Kaya), dont des pans ont été taillés par les terroristes, sont en passe d’être insécurisés. Le Sud-Ouest (Banfora, Niangoloko), le Centre-Sud (Pô) et le Centre-Ouest (Léo, Wessa) sont en train de basculer dans le giron des assaillants de l’ombre dont les tueries envers les civils au Burkina ces derniers mois donnent la chair de poule et révoltent.
Ouagadougou et Bobo-Dioulasso [la capitale et la deuxième ville du pays], marinent toujours dans l’orange. Autant dire que, tout comme le Niger, le Burkina Faso est devenu un pays où il y a péril terroriste partout.
Ce n’est pas nouveau, cette élévation du niveau d’insécurité pour le Burkina, car le 20 novembre 2019, le même ministère des Affaires étrangères avait habillé le “pays des hommes intègres” en couleur sang. On sait que la Grande-Bretagne avait fait la même chose concernant les zones septentrionales burkinabées.
Une menace qui s’étend
En dépit de la hardiesse des 5 100 hommes de l’opération [française] Barkhane, malgré la poussive force G5 Sahel [des pays de la région], plombée par des questions de trésorerie et le manque d’aguerrissement de ses forces de défense, les forces du mal, obscurantistes, prennent l’ascendant sur le terrain. C’est ce que signifie la France en coloriant le Burkina de la couleur pourpre.
Sans doute, la tuerie des six humanitaires français et de leurs deux compagnons nigériens le 9 août dernier dans le parc de Kouré au Niger et le rapt et l’assassinat de l’imam de Djibo Souaïbou Cissé le 15 août dernier au Burkina ont-ils contribué à faire monter ce mercure sécuritaire.
Pau, post-Pau I et II [du nom des sommets qui ont regroupé les acteurs majeurs engagés au Sahel] n’ont véritablement pas apporté les répliques idoines, car des centaines de Forces spéciales attendues, la France n’a enregistré qu’une trentaine d’Estoniens, venus en personnel d’appui logistique à Barkhane.
Avec cette carte burkinabée peinte en rouge, reviennent les propos lucides et martiaux du général Lecointre, le chef d’état-major général des armées françaises, qui n’a jamais arrêté de cultiver un pessimisme noir mais réaliste quant aux différentes ripostes déployées au Sahel contre les djihadistes et terroristes. En [février] dernier, il a martelé :
À la mi-2014, la menace terroriste était résiduelle, à la portée des États de la région […]. [Actuellement], cette menace est descendue vers le sud du Mali, la boucle du Niger, puis dans l’ensemble du Liptako [région à la frontière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso], avant d’atteindre le Niger et le nord du Burkina, la frontière entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ainsi que celle entre le Burkina Faso et le Ghana…”
Pour le chef d’état-major français, la capacité de mobilisation rapide, avec des effectifs importants juchés sur des motos, l’attaque d’objectifs à forte valeur ajoutée sont la marque de fabrique de ces terroristes qui écument le Sahel, et leur objectif est d’y installer un califat.
Des présidentielles à haut risque
Alors, si ce classement [en rouge] du Burkina par la diplomatie française va faire des gorges chaudes et des grincements de dents (comme cela a été le cas au Niger), les Burkinabés seraient pourtant bien inspirés de ne pas tomber dans des réactions épidermiques et des comportements repoussoirs ni de jouer à la politique de l’autruche, mais de prendre cette alerte au sérieux. Il faut réajuster les différents aspects de guerre et redoubler encore d’efforts.
À trois mois et demi des élections au Burkina et à cinq mois pour le Niger, cette couleur rouge vient signaler que ces présidentielles et législatives se profilent dans un contexte à haut risque. On vous l’a dit, cette guerre asymétrique sera chronophage et essorante !